Mongolie, 1re partie

Rares sont les destinations qui récompensent les voyageurs aguerris du singulier sentiment de dépaysement. La Mongolie en est une. Elle se révèle, généreuse, à quiconque a le coeur à la bonne place et par moments, bien accroché. En un rien de temps, à l’extérieur de la capitale, nous avons eu l’impression d’avoir atteint le bout du monde. Le fait de découvrir ces contrées lointaines avec nos trois globetrotteurs en herbe n’a fait qu’enrichir l’expérience. Voici le photoreportage de notre circuit de vingt-deux jours en Mongolie avec nos trois enfants.

1er jour – 19 août

Parc national Gorkhi-Terelj et Aryabal Meditation Temple

L’itinéraire des vingt-deux prochains jours est bouclé avec l’aide précieuse d’Urnaa. Une fois les bagages et les provisions savamment emboîtés à l’arrière du 4 x 4 russe, nous y prenons place tous les quatre à bord, en compagnie de Soyol, notre chauffeur.

À peine sortis d’Oulan-Bator, nous quittons vite la route pavée pour faire ce qui semble être du hors piste. Nous sommes pourtant bel et bien sur une route. Comment Soyol s’y retrouve? Je n’en sais trop rien. Il manoeuvre néanmoins comme un vrai chef, et rigole en disant : « Mongolia National Road! ». La route cabossée brasse les occupants du vieux 4 x 4 sans ménagement. Il faudra s’y faire, on aura kilomètres à franchir dans les prochains jours. Mais surtout, en l’absence de ceintures de sécurité, il faudra mettre de côté le guide du bon parent. Ben coudonc…

Nous croisons de nombreux troupeaux de ямаа (chèvres) et de хонь (moutons). À l’arrivée, nous découvrons la yourte avec ravissement. Au programme, un petit tour de cheval pour se rendre au bas de la colline menant au temple. La montée est agréable, bien que le moral de certains participants soit bof-bof. Les voyages, ça ne peut pas toujours être hop-la-joie. On doit donc parfois gérer le chiâlage.

Nous nous endormons sur nos matelas durs comme la pierre, les pieds toujours vers la porte (les croyances chamaniques perdurent), à la chaleur du poêle. Première d’une longue série de nuit, au son des meuglements.

DSCF6114

You, a traveler who is going to your next rebirth should accumulate as much good deeds as you can just as you would pack food for a long journey.

(Enseignement bouddhique lu sur le chemin du temple)

2e jour – 20 août

Statue de Gengis Khan

Famille Kazakh

Nous rendons visite à la gigantesque statue du conquérant, que le magazine Times a désigné rien de moins que l’homme du millénaire.

Nous sommes ensuite reçus par une famille nomade kazakh. Le cadre est époustouflant. Chacun s’emplit les poumons d’air pur et frais. Les patriarches nous offrent le repas. Une ribambelle d’enfants en vacances d’été nous accueillent. En un rien de temps, s’organisent un tournoi impromptu de lutte mongole, une partie de soccer entre deux crânes de mouton, une orgie de jouets (Margot ayant accepté de sortir ses babioles), du basketball, du tir à l’arc avec des arcs bricolés, une séance de jeux de société mongoles (avec des osselets) et bien de chez nous (Ligretto, Yum). Puis, à la brunante, la famille se regroupe autour de l’enclos où ont été rassemblés les veaux. Un cavalier part au galop d’une yourte située un peu plus loin pour aller chercher les vaches. Les femmes et les enfants s’affairent à jumeler mères et veaux pour la traite. Raphaël et Julien sont invités à essayer et tentent l’expérience avec plaisir. Margot préfère se tremper le doigt dans le lait pour goûter.

3e jour – 21 août

Baga Gazriin Chuluu

Après avoir chaleureusement remercié la famille kazakh, nous reprenons la route accidentée vers Baga Gazriin Chuluu. Les enfants goûtent une fois de plus la liberté de courir, sauter, respirer les grands espaces. Le ciel, d’abord congestionné, se dégage pour notre plus grand bonheur. Nous visitons ensuite un monastère détruit par les soviétiques. La journée est longue et les enfants deviennent particulièrement difficiles à gérer. C’est à ce moment que nous tombons par pur hasard sur une autre famille de tourdumondistes avec qui nous avons souvent échangé par internet, mais que nous n’avions encore jamais rencontrés.

En fin de journée, nous joignons le camp de yourtes. À l’heure où les ombres s’allongent, nous profitons d’un magnifique coucher de soleil, qui permet à tout le monde de se poser un peu avant que la lune ne tire la couverture de la nuit étoilée.

4e jour – 22 août

Famille nomade

Sur de grandes distances, le tapis anormalement vert du désert de Gobi s’étend à perte de vue, surligné d’un horizon de fleurs de ciboulette. Pourtant, l’eau se fait rare et doit être puisée dans le sol.

Les enfants ne se lassent pas de côtoyer les troupeaux et les chiens de berger. Nous apercevons d’ailleurs nos premiers тэмээ (chameaux).

Nous sommes hébergés ce soir-là par le plus jeune frère d’Urnaa. Suivant la tradition mongole, c’est lui, le benjamin des garçons de la famille, qui a repris la ferme familiale. Si elle peut paraître surprenante au premier abord, cette coutume s’explique par le fait que les enfants qui se marient reçoivent généralement quelques bêtes du troupeaux des parents. Puis, au moment où le plus jeune est en âge de prendre des responsabilités, les parents arrivent, eux, à l’âge où les leurs se font trop lourdes. Il reprend donc ce qu’il reste de l’exploitation.

Dans ce cas-ci, le fils n’a pas pris ses responsabilité familiales à la légère. Ce colosse d’environ vingt-cinq ans ne cesse de faire prospérer ses troupeaux, malgré le travail énorme que cette expansion implique. D’autant plus qu’il est seul pour effectuer tout le travail, sa femme travaillant comme enseignante en village le plus proche. Un bosseur, oui, mais qui prend volontiers part à notre tournoi de Yum ce soir-là. Nous dormons ensuite dans le yourte-cuisine, tout près des seaux de yogourt, et à la chaleur du poêle.

5e jour – 23 août

Famille nomade

À peine une dizaine de kilomètres plus loin se trouve la ferme du frère aîné d’Urnaa, qui possède un énorme troupeau de chèvres. Sur son cheval fougueux, il arrive cagoulé. Il a le visage buriné par les éléments, le regard sévère, la stature carrée du travailleur manuel et la prestance assurée des générations de cavaliers mongoles avant lui. Nous assistons, inutiles, au rassemblement du troupeau pour la traite. Ce n’est pas une mince affaire. Le travail est rude et tous les enfants y participent. Les nôtres prennent part à l’opération, en suivant les instructions de l’un des garçons, sur une trame de bêlements impassibles. Raphaël s’en tire plutôt bien! Sitôt le précieux lait recueilli, il est mis à bouillir pour faire le yogourt traditionnel, dont Margot se délecte.

En fin d’avant-midi, Soyol aide son beau-frère à découper une chèvre précédemment abattue. Nous nettoyons quelques légumes avec les enfants. Dans une grande casserole sont placés les morceaux de viande sur l’os, des légumes et des pierres brûlantes préalablement chauffées dans le poêle extérieur. La casserole est ensuite couverte, puis replacée sur le feu pour la cuisson. On profite de l’attente pour sortir les jeux de société et partager notre sac de pommes entre les enfants.

À la soupe! Le plat est placé à même le sol dans la yourte. Chacun se choisit avec les mains des morceaux qu’il dévore en silence, nettoyant consciencieusement les os de la bête. La scène prend des allures cérémoniale. La viande doit être consommée, l’animal qui a laissé sa vie ayant été élevé, nourri, soigné et abreuvé au prix de tant d’efforts. Les restes seront mangés au petit déjeuner du lendemain matin. Puis, le souffle chaud de la mort du bouc se dissipe et la vie continue.

Cette nuit-là, nous couchons sur le sol de la yourte commune. Une forte pluie s’abat sur la région et entre par le bas des murs de feutre, trempant les sacs de couchage. Comme si ce n’était pas suffisant, je passe le plus clair de ma nuit à chasser les petits rats des champs blonds qui grignotent notre sac de collations et à les empêcher de piétiner mes loupiots. Engagez-vous, engagez-vous, qu’ils disaient… 

6e jour – 24 août

Tsagaan Suvarga « white stupas »

Nous faisons nos adieux à la famille. Au bout de ces quelques jours, nous pouvons enfin tous nous targuer d’avoir mérité la badge du caca dans le désert. Yééééé! Ne riez pas, ce n’est pas si simple qu’on pourrait le croire, quand il n’y a ni toilette ni arbre derrière lequel trouver couvert.

Parfois, sur la route, des carcasses en décomposition et une énorme population de vautours nous rappellent la précarité de la vie dans le désert. Le printemps a été particulièrement cruel avec ses pluies trop tardives.

Nous partons ensuite à la découverte des traces qu’aurait laissé une ancienne mer, il y a des millions d’années. Les décors sont époustouflants et nous en profitons tous pour bien nous dégourdir les jambes.

Au camp de yourtes, en soirée, nous assistons à la traite des chamelles. Le spectacle est saisissant. Ici aussi, les petits sont isolés peu avant l’opération. Les chamelles sont ensuite regroupées, puis libérées une à la fois afin qu’elles rejoignent leur chamelon. Les retrouvailles sont émouvantes à tout coup. Les éleveurs traient les femelles, qui allaitent leur petit tout à la fois. Les enfants font la connaissance de ces vaisseaux laineux du désert aux yeux si doux. Le moment est inestimable.

À suivre…

15 commentaires

  1. J’adore lire vos articles, grâce à François. J’ai fait une croisière sur la mer Baltique très intéressante.

    Vous êtes bien braves de voyager avec vos enfants qui semblent adorables et biene vivants.

    En continuant de vous lire…

    France Giroux

    Aimé par 1 personne

  2. Je ne sais pas exactement pourquoi mais j’ai eu des larmes quand j’ai vu les photos … peut-être que je vous envie😜 La Mongolie est l’une de mes destinations et j’espère que c’est bientôt. Bon voyage.

    J’aime

    • Merci, Kalsang. Tu adorerais! Selon notre expérience, les gens y sont vrais. On n’a pas eu l’impression que les locaux dépendaient à tout prix du tourisme. C’est magnifique. Je te souhaite d’y aller! xxx

      J’aime

Laisser un commentaire