Accompagnement, de Saint-Denys Garneau

Je marche à côté d’une joie
D’une joie qui n’est pas à moi
D’une joie à moi que je ne puis pas prendre 

Je marche à côté de moi en joie
J’entends mon pas en joie qui marche à côté de moi
Mais je ne puis changer de place sur le trottoir
Je ne puis pas mettre mes pieds dans ces pas-là
                              et dire voilà c’est moi

Je me contente pour le moment de cette compagnie
Mais je machine en secret des échanges
Par toutes sortes d’opérations, des alchimies,
Par des transfusions de sang
Des déménagements d’atomes
                              par des jeux d’équilibre

Afin qu’un jour, transposé,
Je sois porté par la danse de ces pas de joie
Avec le bruit décroissant de mon pas à côté de moi
Avec la perte de mon pas perdu
                              s’étiolant à ma gauche
Sous les pieds d’un étranger
                              qui prend une rue transversale.

À cette époque de l’année où le moral est souvent plombé par l’hiver qui paraît interminable, duquel certains rêvent de s’évader, j’ai eu envie de partager avec vous ce poème d’Hector de Saint-Denys Garneau. Merci à mon ami et ancien collègue Phil Moreau, lui aussi poète et musicien, d’avoir brillamment fait un rapprochement avec nos propres rêves d’errance et le projet des Pas Perdus autour du monde. Nous avons du même coup une pensée pour tous nos proches qui, après avoir vécu des moments difficiles, ont l’impressionne marcher à côté d’une joie.

Référence : GARNEAU, Hector de Saint-Denys, Poésies. Regards et jeux dans l’espace. Les Solitudes, Montréal, Fides, 1972, p. 97.

Un commentaire

Laisser un commentaire